Soutien en santé mentale pour les populations inondées en Émilie-Romagne, Italie

Le changement climatique a des répercussions non seulement sur la santé physique, mais aussi sur la santé mentale. À mesure que l'intensité et la fréquence des précipitations extrêmes, des inondations et d'autres risques et impacts climatiques augmentent, il est nécessaire de définir des mesures d'adaptation au changement climatique pour protéger le bien-être psychologique et répondre aux besoins croissants en matière de santé mentale. La recherche suggère que l’état de l’environnement, y compris la question du changement climatique, est l’un des déterminants de la santé mentale (voir Effets sur la santé mentale).

En mai 2023, les conséquences des inondations sur les vies humaines et sur les infrastructures dans la région d’Émilie-Romagne, dans le nord de l’Italie, ont conduit à la déclaration de l’état d’urgence. Une centaine de municipalités ont été inondées et 60 000 glissements de terrain ont fait 17 morts, déplacé environ 36 600 personnes, fermé plus de 600 routes et endommagé des voies ferrées, généré 100 000 tonnes de déchets, endommagé le système intégré de gestion de l’eau en milieu urbain, y compris les infrastructures de distribution d’eau potable et les collecteurs d’eaux usées, entraînant une menace potentielle pour la santé des personnes. Les dommages totaux estiméspar la Région au cours des mois suivants s’élevaient à 8,6 milliards d’euros (écoscienza nov. 2023). Des dommages importants ont été signalés dans le secteur agricole: 42 % des terres cultivées ont été inondées (l’estimation des dommages est d’environ 1,5 milliard d’euros) et 41 000 travailleurs ont été touchés, soit 55 % de l’ensemble des travailleurs agricoles de la région (rapportÉmilie-Romagne).

Les inondations sur la région d'Émilie-Romagne ont été causées par une série d'événements pluviométriques courts mais extrêmes qui se sont produits en l'espace de trois semaines. Cela a été précédé par deux hivers très secs avec des chutes de neige inférieures à la moyenne. Une augmentation d’événements similaires – de longues périodes sèches qui permettent au sol de devenir très sec, suivies de précipitations extrêmes et d’inondations soudaines – est prévue pour la région méditerranéenne en raison du changement climatique.

Outre la mortalité, les inondations ont eu des effets sur la santé humaine, notamment des blessures, une incidence accrue des maladies infectieuses d'origine vectorielle et hydrique et une diminution du bien-être, y compris des effets sur la santé mentale. Les eaux d'inondation contaminées par des déchets industriels dangereux et non dangereux et des animaux morts (animaux d'élevage, animaux sauvages, poissons et animaux de compagnie) ont entraîné des perturbations de la peau et des yeux causées par le contact avec de l'eau et de la boue contaminées.

Un soutien a été offert aux personnes touchées pendant et après les inondations en Émilie-Romagne dans le but de minimiser les effets sur la santé mentale causés par les inondations. La santé mentale et le soutien psychologique visent à répondre à la détresse psychologique, à gérer les symptômes des problèmes de santé mentale, à éviter de réélaborer le traumatisme et à prévenir l'apparition de troubles de stress psychopathologiques.

Conformément aux lignes directrices de la directive nationale sur les interventions psychosociales en cas de catastrophe (DPCM de 2006), les psychologues ont cherché à réduire l'état de crise, à encourager la rémission spontanée et à permettre l'utilisation des ressources individuelles et collectives.

D'un point de vue organisationnel, il y avait deux phases principales: l’accueil et le triage, qui visaient à identifier les personnes à traiter, et une phase de transition, au cours de laquelle un traitement spécifique en matière de santé mentale et psychologique et/ou une orientation vers des services locaux ont été proposés.

La Società Italiana Psicologia dell'Emergenza Emilia-Romagna, le Psicologi per i popoli Emilia-Romagna et la Croix-Rouge sont des associations bénévoles enregistrées de l'agence de protection civile. Leurs membres bénévoles sont spécialement formés pour les interventions d'urgence, munis d'équipements de protection individuelle (EPI) et autorisés à intervenir sur le terrain.

Ces associations exerçaient principalement des activités de proximité: des psychologues ont opéré dans les quartiers touchés et ont aidé la police à évacuer les citoyens. Ils ont proposé des interventions dans les refuges, les quartiers, les paroisses, les cantines et les écoles en utilisant des outils spécifiques à la psychologie d'urgence tels que les premiers soins psychologiques, la gestion du stress des incidents critiques (CISM) avec des groupes homogènes et des réunions psychoéducatives proactives. Selon le modèle PIES (Proximité, Immédiateté, Attente, Simplicité), c'est le psychologue/opérateur qui doit quitter le studio/tente et opérer près du lieu de l'événement ou de l'endroit où les victimes sont hébergées, et les atteindre dès que possible, en utilisant quelques techniques de base. Les psychologues ont également répondu aux demandes des centres de santé régionaux en fournissant des services professionnels au besoin. Un soutien a été fourni pendant les inondations et un suivi a été assuré pour les six mois suivants.

Les psychologues d'urgence apportent une aide immédiate aux personnes touchées en les aidant à faire face au stress et aux émotions pendant les crises et les urgences telles que les inondations, les tremblements de terre, les accidents de voiture, les migrations forcées et les guerres. Les soins psychologiques déployés sont basés sur les lignes directrices fournies en 2007 par le Comitato permanent interagenzia (Comité permanent interagences), les lignes directrices de l’IASC pour la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence par l’OMS et la directive italienne DPCM/2006. L'idée de base derrière ces lignes directrices est que, dans la première phase d'une urgence, les soutiens psychologiques et sociaux sont essentiels pour protéger et soutenir la santé mentale et le bien-être psychosocial.

La plupart des activités ont été menées sur le site de la catastrophe avec la participation des victimes, des groupes et des organisations, en mettant l'accent sur l'écoute et la stabilisation émotionnelle. Le soutien a été fourni au niveau communautaire: le psychologue a expliqué en groupe quelles sont les réactions normales après un événement catastrophique, en discutant des symptômes typiques du post-événement immédiat. Les outils du psychologue d'urgence sont des entretiens avec les victimes et des rencontres psychoéducatives avec des groupes de citoyens appartenant à la communauté concernée. Un soutien individuel a également été fourni dans les services de proximité et avec toute personne qui en avait besoin, compte tenu également du fait que ces événements catastrophiques peuvent ramener les traumatismes du passé.

L'action de la psychologue d'urgence s'est également étendue aux institutions, telles que les maires des municipalités touchées. En tant que responsable de la protection civile municipale, le maire gère l'effort de sauvetage en cas d'urgence et constitue la principale source d'information pour chaque citoyen-victime. Il est donc important que le psychologue d'urgence soutienne l'action des maires, afin de permettre une communication efficace et adéquate avec tous les citoyens. Cette communication a également pour but de réduire l'anxiété et la perception de l'abandon.

Des réunions quotidiennes du conseil d'administration ont eu lieu en ligne afin d'améliorer la coordination entre les institutions, de discuter du cadre juridique, de planifier les activités et d'apprendre de l'expérience. Outre les associations présentes sur le terrain, des psychologues du Groupe de travail sur la psychologie d'urgence de l'Ordre des psychologues d'Émilie-Romagne ont participé à ces réunions. (Voir également les sections ci-dessous). Chaque cas a été inclus dans un rapport quotidien et envoyé aux autorités sanitaires locales compétentes et à la Région, ainsi qu'aux associations, ce qui a garanti la continuité des psychologues sur le terrain.

Le service de soutien en santé mentale a été organisé en créant un réseau d'institutions: l’agence de protection civile et ses associations de psychologues d’urgence (telles que la Società Italiana Psicologia dell’Emergenza Emilia-Romagna, la Croix-Rouge italienne et Psicologi per i popoli Emilia-Romagna),ainsi que le centre régional de santé (AUSL) et d’autres organisations ne faisant pas partie de la protection civile (telles que l’EMDR Italia).

Tous les acteurs énumérés ci-dessus ont participé aux réunions du conseil d'administration en ligne organisées chaque jour et, grâce aux informations de leurs membres sur le terrain, ont été informés en temps réel des besoins, de l'état de santé mentale de la population, des problèmes critiques et des cas auxquels il faut prêter attention. L'approche de proximité suivie par les psychologues d'urgence permet d'identifier les besoins des citoyens, car la sensibilisation est effectuée de manière proactive par le biais d'activités non structurées et structurées, et se produit dans le cadre de réunions psychoéducatives et de groupe. Les psychologues d'urgence sont formés pour intervenir dans les catastrophes à proximité et dans les endroits où les personnes déplacées ont été accueillies et abritées.

Les actions déployées répondaient aux besoins psychosociaux des professionnels, des survivants et de la société civile dans son ensemble. La formation et les compétences des psychologues d'urgence qui se sont rendus sur le site de la catastrophe visent à limiter les conséquences des troubles de stress post-traumatique dans la population touchée et permettent aux autorités sanitaires locales de poursuivre leur travail au sein des services locaux qui, après l'événement, peuvent enregistrer une augmentation physiologique du nombre d'utilisateurs.

En 2021, le groupe de travail sur la psychologie d'urgence de l'Ordre des psychologues d'Émilie-Romagne a été créé pour diffuser la culture de la psychologie d'urgence en tant que contribution à l'amélioration de l'assistance aux personnes et aux populations touchées par des événements critiques. Un autre objectif du groupe de travail est de définir les termes de l’intervention du psychologue dans les scénarios d’urgence.

En mai 2023, pour la première fois en Italie, un système régional structuré a été lancé pour coordonner l’assistance psychosociale à la population lors d’une catastrophe. La coordination et les efforts volontaires ont été essentiels au succès du soutien en santé mentale. Les psychologues étaient immédiatement disponibles pour quitter leurs maisons et ont été déployés dans les zones inondées dans les jours qui ont suivi les inondations. Au début, ils venaient des régions voisines, puis de toute l’Italie pour permettre un soutien continu (7 volontaires par jour ont été envoyés par la Società Italiana Psicologia dell’Emergenza Emilia-Romagna du 17 mai au 22 juin 2023). Les psychologues ont fourni un soutien non seulement à la population touchée, mais aussi aux travailleurs d'urgence et aux bénévoles. Des briefings quotidiens ont été organisés pour organiser l'effort, des débriefings ont été organisés pour des groupes de personnes et des travailleurs humanitaires.

Un facteur limitatif a été l'ampleur des inondations et leurs effets sur la population, l'environnement et l'économie, qui ont déclenché la réponse.

Plusieurs facteurs ont entravé l'intervention:

• La législation nationale remonte à la directive Criteri di massima sugli interventi psicosociali da attuare nelle catastrofi (Critères généraux relatifs aux interventions psychosociales à mettre en œuvre en cas de catastrophe) de 2006, qui n’a jamais été pleinement adoptée par les régions. Certaines phases ne sont pas encore développées: aucune chaîne de commandement et composition des équipes ne sont identifiées, aucune compétence et la préparation minimale que les psychologues qui interviennent doivent posséder ne sont répertoriées, et aucune méthodologie et aucun objectif que le système de santé régional doit adopter ne sont développés.
• L'absence d'un système d'urgence structuré pour le soutien psychologique, qui devrait être mis à disposition parallèlement au soutien médical, rend difficile l'intégration et le renforcement des compétences apportées par les psychologues d'urgence avec celles apportées par le Centre régional de santé.
• Les compétences apportées par les associations de psychologie d'urgence de la protection civile, qui disposent désormais d'une expérience consolidée, n'ont pas été pleinement exploitées.
• L'absence de l'équipe de soutien psychologique dans les convois de volontaires régionaux de la protection civile d'Émilie-Romagne.

Le soutien psychologique a été fourni sur une base volontaire, générant ainsi peu de coûts. Les avantages du soutien en santé mentale n'ont pas été quantifiés sur le plan économique.

Le psychologue d'urgence est intervenu gratuitement, seuls les frais de déplacement étaient couverts sur demande. Le détachement de travail est disponible pour les employés, et un petit remboursement symbolique pour les professionnels indépendants qui travaillent sur le terrain était disponible, mais rarement demandé. Les psychologues du Centre régional de santé étaient en service lorsqu'ils sont intervenus en Émilie-Romagne. Les centres d'appels des associations de bénévoles qui ont fourni un soutien n'ont pas de coût, car les bénévoles travaillent gratuitement.

Une référence spécifique au besoin de soutien psychologique pendant et après les inondations est identifiée dans la stratégie régionale d’atténuation et d’adaptation de l’Émilie-Romagneadoptée en 2018. Dans la stratégie, les mesures de gestion des urgences visant à permettre le retour à des conditions antérieures prévoient un soutien médical et psychologique visant à accroître la résilience de la population.

La Protection Civile coordonnant l'intervention d'urgence doit toujours accorder une autorisation aux associations et aux volontaires qui fournissent leur disponibilité, afin de s'assurer que l'effort le plus efficace est déployé.

La directive italienne de 2006 sur les critères généraux relatifs aux interventions psychosociales à mettre en œuvre en cas de catastrophe identifie le réseau organisationnel, les structures de référence et les ressources humaines dédiées, les bénéficiaires des interventions et les scénarios exploitables. Les Régions veillent à ce que, en fonction des caractéristiques géosociales et de l'ampleur des risques présents sur leur territoire, des équipes soient mises en place pour apporter un soutien psychosocial à la population touchée par les catastrophes. Ces équipes sont généralement identifiées à l'aide des ressources existantes dans les services dépendant du Centre régional de santé.

Les équipes précédemment formées opèrent au sein du système d'urgence, garantissant leur intervention à la fois dans des événements catastrophiques avec un effet limité, et dans des événements catastrophiques qui vont au-delà du potentiel d'intervention des structures locales. La Région, à travers son organisation, identifie les membres de l'équipe parmi le personnel au sein de son service. Le personnel sélectionné, qui peut être intégré avec des ressources supplémentaires identifiées au sein, par exemple, d'associations de bénévoles, d'autorités locales et d'associations professionnelles, doit être correctement formé aux tâches à accomplir dans des situations de catastrophe collective et formé au moyen d'exercices spécifiques.

Afin de pouvoir intervenir immédiatement dans les situations d'urgence, les équipes doivent faire partie de l'organisation de soins de santé pour les maxi-urgences, et pouvoir bénéficier d'un soutien logistique et de communications radio. Chaque chef d'équipe dans la zone sinistrée opérera dans le respect de la structure hiérarchique, selon la chaîne de commandement et de contrôle établie par les autorités compétentes.

Les psychologues des associations de protection civile sont formés à la fois à la psychologie d'urgence et aux procédures de protection civile. Pour ces derniers, ils doivent réussir un cours de base dispensé par la protection civile, qui comprend de nombreux sujets (de la logistique à la radiocommunication en cas d'urgence, en passant par la cartographie, etc.). Chaque volontaire qui réussit l'examen est inscrit au registre régional de la protection civile et ce n'est qu'à ce moment-là qu'il peut aider à intervenir auprès de la protection civile. Tout volontaire de la protection civile doit porter un équipement de protection individuelle (EPI) et des uniformes spéciaux qui l'identifient, et doit être assuré pour les dommages causés à lui-même et aux autres par l'association à laquelle il appartient. Les associations offrent également une formation continue et un renforcement des capacités.

Le soutien en matière de santé mentale a été fourni peu de temps après les inondations en Émilie-Romagne. Le soutien a été mis à disposition pendant six mois après le retour de la situation aux conditions précédentes. Les activités ont été diversifiées selon le calendrier prévu pour atteindre l’objectif: surmonter le traumatisme collectif.

Le soutien en santé mentale fourni était un service temporaire. Néanmoins, après avoir tenu des discussions après cette expérience, le soutien mental sera à nouveau organisé s'il y a lieu, compte tenu également d'autres types d'urgences: la région, en fait, est sujette aux tremblements de terre.

Ordine degli Psicologi dell’Emilia-Romagna

Strada Maggiore, 24 - 40125 Bologna, Italy

tel. +39.051263788

https://www.ordinepsicologier.it/it

info@ordinepsicologier.it

gdlemergenza@ordinepsicologier.it

Rapport Émilie-Romagne

Bulletin CEMS n° 166

ecoscienza nov. 2023

directive nationale sur les interventions psychosociales en cas de catastrophe

Lignes directrices de l'IASC pour la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d'urgence par l'OMS

Sipem Émilie-Romagne

Psicologi pour i Popoli Emilia-Romagna